Une loi anti-scabs au fédéral
L'ensemble du mouvement syndical au Canada a revendiqué une loi interdisant le recours à des travailleurs de remplacement pour les milieux de travail sous compétence fédérale.
Si la très grande majorité des travailleurs et travailleuses du Québec en bénéficient depuis l'adoption du Code du travail du Québec en 1977, ce n'était pas le cas pour ceux et celles qui travaillent dans des secteurs de juridiction fédérale, comme les transports, les postes, les institutions financières, les télécommunications et le secteur public fédéral. Cela a été difficile à vivre pour les matelots d'Océan remorquage, en grève de juin 2022 à mars 2023. Ce conflit aurait pu être réglé beaucoup plus rapidement si l'employeur avait été réellement affecté économiquement par le conflit.
Le sujet était d'ailleurs au coeur des revendications de tous les syndicalistes membres du Congrès du travail du Canada lors de la journée de rencontre avec les députés et sénateurs qui avait lieu en février 2023. Des manifestations ont aussi eu lieu pour accentuer la pression en faveur d'une telle loi, réclamée depuis des décennies.
Devant les pressions syndicales et politiques, un projet de loi en ce sens a finalement été déposé en novembre 2023, dans la foulée de l'Entente de soutien et de confiance conclue entre le Parti libéral et le Nouveau parti démocratique (NPD). Celui-ci a finalement été adopté à l'unanimité des députés en juin 2024 et son entrée en vigueur est prévue pour novembre 2025.
Cette vidéo résume la campagne:
L'exemple québécois
Une telle disposition existe depuis 1977 dans le Code du travail du Québec et s'est avérée efficace pour rétablir un équilibre dans les relations de travail, apaiser et raccourcir les conflits de travail.
Une loi anti-scabs ou anti-briseurs de grève existe au Québec depuis 1977. Elle fait suite à des conflits de travail qui ont dégénéré en raison du recours à des travailleurs de remplacement au cours de la décennie 1970, notamment chez United Aircraft à Longueuil (aujourd'hui Pratt and Whitney), à la Canadian Gypsum à Joliette et à la minoterie Robin Hood à Montréal.
La loi québécoise est certes imparfaite: elle encadre en effet avec difficulté le télétravail qui pourrait être effectué par des travailleurs de remplacement à l'extérieur de l'établissement. Mais cela demeure néanmoins un outil essentiel pour apaiser le climat lors de conflits de travail, inciter les parties à négocier activement pour trouver une solution, puisque chaque partie est affectée par la grève ou le lockout.
Le patronat s'est opposé vigoureusement à une telle loi au fédéral, arguant que des entreprises privées pourraient choisir de quitter le Canada pour cette raison ou de ne pas y investir. Or, un tel mouvement n'a pas été observé à la suite de l'introduction de cette disposition dans le Code du travail au Québec. Il y a d'ailleurs eu des conflits de travail depuis dans plusieurs multinationales syndiquées Métallos visées par les dispositions interdisant les travailleurs de remplacement dans le Code du travail du Québec, notamment chez Glencore, ArcelorMittal, Ciment Lafarge (Lafarge Holcim), Rio Tinto Aluminium, Rio Tinto Fer et Titane et plusieurs autres. Que ce soit en matière de recours aux scabs, d'environnement ou de santé et sécurité, les multinationales n'ont d'autre choix que de se conformer aux lois en vigueur là où elles sont installées.
Une interdiction efficace
Une loi interdisant le recours à des travailleurs de remplacement permet d'assurer un équilibre dans les négociations. Si chaque partie est affectée économiquement par une grève ou un lockout, les acteurs auront intérêt à trouver rapidement un règlement négocié. Lorsque l'employeur peut recourir à des travailleurs de remplacement, il ne subit pas les conséquences du conflit de travail, ce qui a tendance à rallonger le conflit et souvent à ce qu'il s'envenime.
On peut lire ici le Mémoire déposé par la FTQ, dans le cadre de la consultation d’Emploi et Développement
social Canada.
On peut lire ici le texte de la Loi qui a finalement été adopté
Voici des liens vers quelques unes des mobilisations en lien avec la revendication d'une loi anti-scabs (travailleurs de remplacement) au fédéral.
Manifestation à Québec devant les bureaux d'Océan remorquage en décembre 2022
Manifestation à Ottawa en janvier 2023
Journée de rencontres avec les politiciens à Ottawa (Congrès du travail du Canada)
Projection pour une loi anti-scabs au fédéral